On place la respiration (呼吸, kokyū) au cœur même de l’art martial. Le nom du style, « Goju » (dur et souple), est tiré de l’antique Kenpo Hakku : « La voie de l’inspiration et de l’expiration (go-ju) ». Sans une respiration juste, le karaté n’est que coquille ; avec le souffle, il devient puissance, santé et esprit vivant.
Types de Respiration : Inspiration et Expiration
- Inspiration (in-don) : Par les narines, profonde, ventrale, sans lever la poitrine. Le ventre se gonfle, le centre (tanden/hara) s’anime, l’esprit se calme. L’inspiration capte non seulement l’air, mais aussi l’énergie (ki), qui se rassemble dans le bas-ventre.
- Expiration (yo-to) : Longue, sonore ou silencieuse selon les moments. Elle s’effectue par la bouche (ibuki fort) ou le nez (nogare doux). L’abdomen se contracte, le centre reste solide : le souffle est « poussé hors du hara », propulsant la force jusque dans le geste.
Variétés
- Rapide (combat) : Brève, explosive ; absorbe l’air, relâche instantanément avec la technique. Utilisée pour la rapidité des enchaînements et l’intervention défensive ou offensive.
- Lente et contrôlée (kata, méditation) : Inspire en préparant le mouvement, expire en l’exécutant, synchronisant geste, tension et vibration interne.
- Blocage respiratoire (kime, verrouillage) : Au sommet de la contraction (tchinkutchi), il peut y avoir un bref maintien du souffle pour maximiser la transmission de force sans nuire à la fluidité.
La Respiration dans Sanchin : Fondation du Goju-Ryu
Sanchin (三戦, « trois combats ») est le kata socle, dédié à l’union du corps, du souffle et de l’esprit :
- Mécanique :
- On inspire pendant la préparation d’une technique (ex. croisement des bras devant soi) ;
- On expire en exécutant le blocage ou la frappe, en synchronisation totale avec la contraction musculaire.
- Respiration ibuki : Sonore, marquant chaque mouvement, elle entraîne la conscience dans le ventre, renforce le centre, masse les organes, alimente la force intérieure et forge l’endurance.
- Respiration nogare : Plus discrète, adaptée à une phase plus fluide du kata ou de la pratique.
- Rythme : L’inspiration est brève, l’expiration prolongée, continue et contrôlée, jamais forcée dans la gorge, afin de ne pas créer de tension superflue.
- Effet : L’entraînement dans Sanchin façonne la posture, la stabilité, la connexion corporelle (tchinkutchi), et développe la capacité à générer une puissance explosive en toute sécurité. La respiration harmonise la force (go) et la souplesse (ju).
Préceptes pour le Pratiquant
- Cherchez la respiration ventrale : La poitrine ne doit ni s’élever, ni se contracter. Le souffle descend dans le hara.
- Synchronisez souffle et mouvement : Chaque geste a son souffle, chaque souffle a son intention.
- N’étouffez pas le flux : Le blocage trop long ou la respiration forcée créent des tensions et empêchent la circulation de l’énergie vitale.
- Alternez force et douceur : Apprenez à employer le souffle sonore pour la puissance (ibuki), le souffle doux pour la fluidité (nogare).
- Pratiquez Sanchin quotidiennement : Le kata Sanchin est le laboratoire de l’union souffle-corps. Il doit devenir comme une méditation en mouvement, cultiver la santé, la stabilité, la paix intérieure.
- Attention à la santé : Ne contractez pas la gorge inutilement pendant l’ibuki : tout doit se générer à partir de l’abdomen, sous peine de se blesser inutilement.
La respiration est la vie du Goju-Ryu : elle relie l’intention à l’action, nourrit la santé, donne la puissance et éclaire la voie intérieure du pratiquant. De l’inspiration à l’expiration, lente ou rapide, bloc ou relâchement, tout le karaté s’enracine dans le souffle.
Celui qui maîtrise cette science ancestrale révèle l’essence du « dur et souple » — la force tranquille incarnée.
« Le souffle, c’est le pont entre la pensée et l’action. Sans lui, tout n’est qu’apparence. Avec lui, l’esprit du Goju-Ryu devient vivant. »
— Chojun Miyagi
