L’esprit du Rei dans le Karaté d’Okinawa
On considère Rei comme un acte formel, un rituel et un peu plus, dans notre pratique. Le Rei (礼), désigne la salutation – au sens large, la politesse, le respect, la reconnaissance de l’autre. Il incarne, dès le seuil du dojo, l’essence de notre pratique du karaté traditionnel.
Le sens profond du Rei
- Plus qu’une salutation : Dans notre tradition, Rei est une attitude intérieure, la manifestation visible du respect : respect du maître, des partenaires, du lieu (dojo), mais aussi de soi-même et du chemin parcouru.
- Transmission du coeur (kokoro) : Saluer, c’est établir un lien d’âme à âme, reconnaître l’humanité en l’autre. Ainsi, chaque Rei, même silencieux, inscrit la pratique dans une lignée de sincérité et d’humilité. C’est la marque de la Voie (Do).
- Point de départ et d’arrivée : Le Rei précède tout acte martial et le clôture. On commence et on termine par lui chaque kata, chaque combat, chaque session – parce qu’il rappelle que l’art ne vise pas la victoire sur autrui, mais le développement intérieur.
Rei dans la pédagogie Shorei-Kan
On insiste pour enseigner le Rei sous différentes formes – debout (ritsurei), à genoux (zarei), dans le silence intérieur ou par l’acte, devant les kamiza (autel du dojo), les partenaires ou le sensei. Dans chaque posture, on transmet :
- L’importance de la conscience : Ne jamais saluer mécaniquement. Vivre pleinement l’instant du Rei, c’est s’offrir au moment présent et se préparer à recevoir et donner, sans réserve.
- Le mouvement juste : Même le geste le plus simple (inclinaison du buste, alignement du regard, placement des mains) devient un kata : précis, naturel, sans crispation, porteur de calme et de dignité.
- La respiration : Le Rei s’accompagne d’un souffle naturel, qui apaise le mental et invite à la centration. Ici commence la pratique véritable.
Le Rei dans la vie du karatéka
- L’école du respect : Pour nous, un élève qui maîtrise des techniques mais néglige le Rei n’a pas compris la Voie du Goju-Ryu. Le Rei structure la discipline, forge la bienveillance, éclaire la relation maître-élève et même l’esprit d’équipe dans le dojo.
- Lien entre tradition chinoise et Okinawa : Par le Rei, nous perpétuons la filiation à la culture chinoise ancestrale – où la politesse (li) et le respect du rituel précèdent toute transmission martiale. Okinawa a adapté et adouci cette tradition : le karaté d’Okinawa commence par l’enseignement du respect, “karate ni sente nashi” (“le karaté ne commence jamais par l’agression”).
Conseils d’un expert
- Ne négligez pas le Rei : La répétition du Rei n’est ni un automatisme ni une contrainte, mais l’acte qui donne du sens à tout le reste. Saluez avec votre cœur, pas seulement votre corps.
- Le Rei seul suffit pour ressentir le karaté : Même sans combat ni kata, saluer consciemment, dans la pleine présence, suffit pour pratiquer l’essence de la Voie.
- Faites du respect une seconde nature : En dehors du dojo, le véritable karatéka honore le Rei en chaque geste de la vie – respect de l’autre, de l’environnement, de l’engagement pris envers soi-même.
Le Rei irrigue la totalité du Goju-Ryu : il précède la technique, il accompagne la pratique, il soutient l’esprit et il guide l’attitude juste. C’est ainsi que nous souhaitons transmettre au sein du Shorei-Kan : discipline ancrée dans la tradition, mais ouverte, bienveillante, et centrée sur l’humain.
Dans le Rei, le karaté trouve sa véritable grandeur : force et humilité, ancrage et ouverture, rigueur et douceur – c’est là la Voie du “dur et souple”.
